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PARTIR A DEUX avec des ânes

                  Soulevez le parapluie, et vous verrez Anne qui dort, en plein trajet !

Une nouveauté dans ce voyage : j’étais accompagnée. Ce n’est pourtant pas la première fois que je le suis, mais d’une part il s’agissait d’une période de quinze jours alors que mes autres voyages accompagnés n’ont jamais dépassé une semaine, et d’autre part, je n’étais plus dans le rôle de celle qui ouvre la voie et montre commentil faut faire : Anne, même si elle n’avait jamais randonné plus de trois jours jusque-là, a été très active, notamment dans la préparation de l’itinéraire. En plus, elle était avec son âne, Bambo, qui est lui-même un bon randonneur. Chose étonnante, au cours de ce périple et face à toutes les difficultés que nous avons rencontrées, nous avons parfaitement réussi à fonctionner en binôme et même en bon quatuor (avec nos bourricots respectifs), en réussissant à nous compléter comme il le fallait. Pas de désaccords ou très peu, face à des choix pas toujours évidents et à des situations qui étaient parfois extrêmes.  

Anne habite le Loir-et-Cher. Nous nous sommes rencontrées deux ans plus tôt à Saint-Agil, au cours d’une « foire de l’âne ». Très rapidement, l’idée de randonner à deux nous est venue. Pourtant, c’est seulement dans les derniers jours qu’Anne a décidé de me rejoindre dans mon projet d’aller de LA FERTE BERNARD au MONT ST MICHEL. Autant dire, le temps pour organiser ce petit périple a été très bref. Un coup de pouce cependant de Philippe, notre ami commun, qui avait fait un trajet à peu près équivalent l’année passée. Nous avons récupéré quelques-unes de ses cartes et aussi quelques-uns de ses commentaires et nous pouvons dire que cela a été notre principale aide pour le voyage.

                Bon, derrière l'âne, heum... c'est moi. A mon tour de faire une petite sieste

Partir avec quelqu’un dans une rando avec des ânes, ce n’est pas facile. Va-t-on s’entendre et que faire, dans ces circonstances, si on ne se supporte plus ?  Aucun moment pour nous isoler : nous sommes ensemble en permanence, nuit et jour, 24 heures sur 24, l’une sur le dos de l’autre, pour ainsi dire : une situation que l’on connaît assez rarement dans le quotidien. De plus, il faut faire très souvent des choix en sachant que les mauvaises décisions peuvent avoir des conséquences importantes. En cas de galère, la tentation peut être alors de vouloir faire porter la responsabilité à l’autre. Enfin, on n’a pas les mêmes résistances : que faire par exemple quand l’une est en forme pour marcher et pas l’autre ? Et si l’une est en difficulté avec son âne, comment doit réagir l’autre ? Autant dire : c’est vraiment une expérience qui ne doit pas nous faire oublier l’importance de la solidarité. Si le randonneur veut agir égoïstement, sans se préoccuper de son coéquipier, il est certain que la jolie petite rando risque de tourner vite au fiasco.   

Il est aussi important de se connaître soi-même, de connaître ses propres limites, de savoir aussi ce qu’on veut et ensuite d’assumer ses choix. Etant donné que j’ai une très bonne endurance, une de mes principales craintes était de devoir ralentir ma cadence. En plus Bambo est plus court sur pattes que Chéri et était sans doute plus chargé que mon âne : je me doutais que mon amie n’allait pas facilement renoncer à un certain nombre de ses accessoires, dont le « fameux » sèche-cheveux (voir texte précédent qui annonce le départ). Animal plus court sur pattes, plus chargé et randonneuse pas encore rôdée, le calcul fut vite fait… Et pourtant,nous avons cavalé ! Je n’aurais jamais cru ça. Certes, il y a eu des moments difficiles pour elle, des moments où elle n’en pouvait plus, ou elle se pliait sur le chemin, coupée en deux par une douleur aux reins, ou simplement fatiguée, ou affamée, à hurler une envie de chocolat alors que la première épicerie était à dix bornes et qu’on n’y serait pas avant la fermeture… Mais dans l’ensemble, un super tonus et une très bonne cadence que l’on trouve rarement chez les volontaires à ce genre de projet. Notre ami Philippe nous avait dit : « Vous ne réussirez jamais à faire ce trajet en 15 jours ». Il a eu raison : nous l’avons fait en 13 jours, et pas forcément en prenant les chemins les plus courts !  Notre but n’était pas de réaliser une performance et pourtant, malgré ça, nous en avons réalisé une… On m’aurait dit ça avant de partir, je ne l’aurais jamais cru…  

Quant à Bambo : Anne, généralement, le laissait trottiner librement dans son dos. "Pauvre Bambo !" pourrait-on penser, à cause de ses petits pas et de son chargement. Et pourtant, c’est Chéri qui a eu le plus de problèmes : son bat, trop ancien, lui a fait des blessures dès le premier jour et il a fallu que je le soigne chaque matin et soir. Les ânes ont eu, semble-t-il,leurs moments de joie et de fatigue, des instants de peurs et des bobos douloureux. Ils ont participé à la randonnée complètement, comme nous, et sans jamais renoncer à nous suivre fidèlement, prêts à partager l’aventure eux aussi. Finalement, nous n’étions pas deux, mais quatre. 

 (En page 1, dernières photos rajoutées au bêtisier des panneaux. Poilage garanti.)