Une de nos cartes IGN imprimées sur le site " Visorando". Dommage de l'avoir lue si vite...
Nous voilà donc partis pour cette deuxième journée de randonnée. La matinée se passe plutôt bien, même si je remarque que Chéri n'avance pas à son rythme habituel. Pour éviter que la sangle du bât frotte sur la blessure de la veille, j'avais pensé lui reculer un peu le bât. Donc difficile d'interpréter le peu d'entrain de l'âne. Frédéric, de son côté, découvre qu'avec un âne, on ne peut pas avancer à la cadence que l'on veut.
Eh oui! Il faut marcher au pas de l'âne. Ce n'est pas qu'un âne est plus capricieux, par exemple, qu'un petit chien, c'est qu'il est plus fort que vous... à la différence du chien. Un chien non plus ne marche pas à notre rythme, mais il n'y a qu'à tirer sur la laisse et tout le chien arrive à la hauteur de nos jambes. Avec l'âne, il n'est pas possible de le faire surfer sur du bitume.
Je me souviens de la phrase d'un dresseur équin qui, un jour, m'avait dit : " Quand il y en a deux qui tirent en sens inverse, le plus intelligent, c'est le plus fort."
Bon, je ne citerai personne.
Mais il me semble ainsi trouver une explication à l'allure légèrement ralentie de l'âne. Frédéric étant un peu contrarié qu'il n'aille pas plus vite, l'âne doit certainement réagir en sens inverse, ralentissant parce qu'il sent bien qu'on veut le forcer à accélérer. Car un âne est aussi capable de tout sentir !
Nous atteignons Moulhard où nous rencontrons quelques habitants sympathiques, dont des messieurs qui, à travers la fenêtre d'une maison, nous passent un seau pour faire boire Chéri. Une fois de plus, il n'a pas soif alors que nous marchons sous le soleil.
Chéri ne boit pas et n'urine pratiquement pas. Me voilà avec un nouveau sujet d'inquiétude.
Malgré tout, nous avançons bien... ce qui finit par nous réjouir. En regardant la carte, belle surprise... Nous approchons le plan d'eau de Brou. Nous savourons à l'avance notre pause déjeuner. Frédéric a même une idée : " On pourrait se baigner dans le plan d'eau !"
Sauf que nous avons regardé un peu trop vite la carte...
Nous continuons notre avancée. Plus qu'un quart d'heure avant d'y arriver... Impeccable : nous arrivons juste pour l'heure du déjeuner. Du moins, nous croyons... Mais voilà notre chemin qui s'arrête net ! Devant nous, un gué, trop large au goût de Chéri, surtout que son eau – qui est trouble – ne permet pas de voir le fond. Une passerelle également, mais trop étroite pour les sacoches et avec un revêtement metallique ajouré qui découragerait n'importe quel équidé.
Il resterait la méthode forte. Fixer une longe à un arbre, la resserrer et ainsi forcer l'âne à mettre progressivement les pieds dans l'eau, mais je ne me sens plus le courage d'éduquer mon âne
comme je le faisais les premières années. Et le calcul est vite fait: même si le détour est compliqué, il risque quand même de durer moins longtemps que le passage forcé de l'âne.
Lors du demi-tour, nous pensons un moment prendre un chemin non indiqué sur la carte. Seulement voilà... il y a encore la rivière à traverser et nous retombons sur le même modèle de passerelle avec un revêtement métallique et troué.
Nous arrivons dans un lieu dit qui s'appelle : Le Calvaire. Un nom de circonstance ! Des habitants, nonchalamment, nous indiquent le chemin vers Brou. Et Paf ! De nouveau encore ce modèle de passerelle métallique à trous. Ils ont dû avoir un prix de gros, dans le secteur.
Pas d'autre choix que de continuer sur la route. Plus d'une heure après le début de notre détour, nous arrivons – devinez où ? – De l'autre côté du gué qu'il fallait traverser ! Donc, finalement, la pause déjeuner se fera là. Adieu... belle avancée et beau plan d'eau pour le pique-nique... Adieu aussi, les projets de baignade.
Chéri est débâté et attaché à une longue longe. Il a donc une longueur suffisante pour boire l'eau du gué, mais ne boit toujours pas. Il ne fait que s'intéresser à notre repas.
Rassasiés, nous repartons. De nouveau, je place le bât un peu plus en arrière pour éviter les blessures du frottement de la sangle.
Nous pensons laisser derrière nous le passage le plus compliqué, mais en vérité, ce n'est que le commencement : nous allons pénétrer un véritable labyrinthe. Nouvelle passerelle juste avant d'atteindre le plan d'eau. Nous devons donc contourner le plan d'eau vers le nord– au lieu que ce soit vers le sud. Mais au moment de quitter le bord de l'eau, nouveau pont avec, cette fois, une barrière au bout, pour empêcher les véhicules – et aussi les ânes – de passer. Donc énième demi-tour. On tente un autre chemin au hasard, sans plus trop réussir à nous repérer... On tourne, on retourne... Un immense terrain de golf, comme seule issue. " Pas possible, se dit-on, on ve se faire virer !" Et pourtant nous voilà, avec l'âne, en train de traverser le green bien peigné du terrain de golf. Au loin, un type sur un tracteur. " Espérons qu'il ne nous repère pas ". Et puis une crainte de ma part... Il ne faudrait pas que Chéri se mette à lâcher quelque chose à cet endroit-là.
Mais il va faire bien pire ce mufle d'âne ! D'un seul coup, sans prévenir, le voilà qui s'affaisse et se retrouve couché sur le green. Inquiétude au sujet de l'état physique de mon âne. C'était la première fois qu'il me faisait ça, non pas qu'il n'avait pas déjà tenté, mais il savait qu'il était interdit de se coucher avec le bât. Donc, en règle générale, dès que je voyais les jambes un peu fléchir, je le faisais immédiatement se redresser et, en fin de compte, il avait cessé ses tentatives depuis belle lurette. Il faut savoir que si on n'agit pas ainsi, on tombe alors sur un âne comédien, qui se couche n'importe où et n'importe quand et surtout quand la texture du sol lui semble assez agréable pour son ventre. Aussi, c'est la thèse principale que je retiens... Chéri s'est couché pour pouvoir goûter au moelleux tapis vert du green. Il n'a donc pas su résister à tant de douceur et, cette fois, il a réussi à m'avoir. Évidemment, il a obligé des golfeurs à interrompre leur partie. Par chance les golfeurs ne le prennent pas mal. Alors j'en profite pour demander sa canne à l'un d'eux. Et paf ! coup de canne de golf sur l'arrière-train de l'âne. Le seul moyen ! Et Chéri qui consent enfin à se relever.
Nous prenons une sortie, enfin nous croyons que... Mais nous sommes comme enfermés. Et devant... quoi donc ? Un pont évidemment ! Ce pont, une fois encore, pose des difficultés à Chéri, pourtant le passage est large. Seul hic : des planches inégales et ajourées par endroit. Cette fois, petit coup de baguette... et Chéri consent à prendre le pont de bois. Mais nous ne savons plus dans quel sens aller. A droite ? A gauche ? Un pêcheur nous conseille d'aller vers la gauche, la droite étant selon lui inaccessible. Cela nous oblige encore à un grand détour et, au final, un grillage qui nous barre la route. Sur le côté, un centre équestre. Le constat est vite fait. En principe, même en enlevant le grillage, nous ne sommes pas plus avancés, car le centre équestre nous empêche de rejoindre la route. Mais nous allons pouvoir saisir une opportunité. Le centre équestre, qui est en travaux, est ouvert sur une partie – pour faire passer les engins de chantier. Donc traversée en catimini du centre équestre avec l'âne. Et enfin, grand ouf ! Nous avons quitté le labyrinthe.
Mais le constat est désolant : pratiquement toute une après-midi perdue à piétiner dans ce labyrinthe. Nous sommes éreintés et, alors que nous atteignons – seulement – Yèvres, Chéri qui se couche, à nouveau, au milieu des champs. De nouveau je le force à se redresser et je vois cette fois qu'il titube et a un mal fout à se remettre sur ses pattes...
Nous marchons au milieu des champs, sans savoir où aller, car, en plus, nous venons de rater la destination du camping. Chéri marche si lentement qu'il faut lui hurler dessus et lui casser des batons sur le dos pour qu'il avance... A cet instant, je cesse de croire à notre projet de randonnée. Trop de temps perdu pour rattraper notre retard et je constate que l'âne est mal en point. Pas question de continuer à le maltraiter... Il faudra appeler notre voisin pour qu'il vienne le rechercher.
Mais la suite, une fois encore, ne sera pas du tout comme on s'y attend...
" Quand il y en a deux qui tirent en sens inverse, le plus intelligent, c'est le plus fort des deux."
(A une prochaine...)
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Commentaires
Bonjour, j'étais partagée ente le rire et l'inquiétude pour vous et pour l'âne! j'attends la suite du récit avec intérêt.
Bonne soirée,
léa