Voici un texte émouvant sur les ânes du Maroc découvert par mon chéri libraire. En fait il s’agit d’un extrait d’extrait. Pas étonnant, ce texte est un petit joyau de la littérature ! À chacun d’en apprécier le contenu :
De tous côtés, les petits ânes entravés par les pattes de devant se roulaient dans le fumier, ou bien sautaient comiquement, avec des gestes saccadés de jouets mécaniques, pour disputer aux poules les grains d’orge ou la paille hachée qui avaient glissé des couffins. Les pauvres, comme ils étaient pelés, teigneux, galeux, saignants ! Vraiment le destin les accable. Un mot aimable du Prophète et leur sort eût été changé. Mais le Prophète a dit que le braiement est le bruit le plus laid de la nature. Et les malheureux braient sans cesse ! Tandis qu’ils vont, la tête basse, ne pensant qu’à leur misère, un malicieux Génie s’approche et leur souffle tout bas : « Patience ! ne t’irrite pas ! Sous peu, tu seras nommé sultan ! » Un instant, la bête étonnée agite les oreilles, les pointes en avant, les retourne, hésitant à prêter foi à ce discours incroyable ; puis brusquement sa joie éclate, et dans l’air s’échappent ces cris que le plus vigoureux bâton n’arrive pas à calmer…
Âne charmant, toujours déçu, toujours frappé, toujours meurtri, et pourtant si résigné, si gracieux dans son martyre ! Si j’étais riche Marocain, je voudrais avoir un âne, mais un âne pour ne rien faire, un âne qui n’irait pas au marché, un âne qui ne tournerait pas la noria, un âne qui ne connaîtrait pas la lourdeur des couffins chargés de bois, de chaux, de légumes ou de moellons ; un âne que j’abandonnerais à son caprice, à ses plaisirs, sultan la nuit d’une belle écurie, sultan le jour d’un beau pré vert ; un âne enfin pour réparer tout le malheur qui pèse sur les baudets d’Islam et pour qu’on puisse dire : « Il y a quelque part, au Maroc, un âne qui n’est pas malheureux… »
Texte de J.-J- THARAUD – Rabat ou les heures marocaines. Paris, Plon in-12, p.124, 125 et 126. Texte repris dans La vie et les mœurs en Algérie par M. Pierre Deloncle. Cahiers du centenaire de l’Algérie, p. 113 / 114.
Commentaires
oui l'âne a toujours était un souffre douleur pour beaucoup d'entre eux. Comme j'aimerai qu'un animal au travail ou autre soit respectés bonne journée
Bonjour. Je n'ai pas voulu lire ton texte, j'ai vécu plus de vingt mois au Maroc et j'ai vu des chargements infligés aux âmes et aux chevaux au-delà des limites supportables, pardon de ne pas finir mon post sur un punch-line