Jour 1 du confinement pour les humains. Et pour les ânes, rien de mieux que la clef des champs !
Dans le formulaire d’autorisation de sortie – puisque maintenant, comme à l’école, on doit demander si on a le droit de faire ceci ou cela – que faut-il cocher lorsque l’on doit sortir de chez soi, en urgence, pour courir après trois ânes en goguette qui ont pris la clef des champs ?
Est-ce la case : « déplacements (…) lorsqu’ils sont indispensables à l’exercice d’activités ne pouvant être organisés sous forme de télétravail ? »
– En effet, c’est une activité indispensable de s’occuper de ces fugueurs. Aucune caméra pour surveiller le pré et, de toute façon, ce n’est pas la caméra qui va leur courir après…
Cependant ne faut-il pas plutôt cocher la case : « Déplacements pour effectuer des achats de premières nécessités » ?
– Car il faut bien les transporter ces achats, n’est-ce pas ? La première nécessité, est-elle d’aller mettre de l’essence dans sa voiture quand il y a la solution de l’âne pour le transport ? Non… Or, trois ânes au moins sont nécessaires pour aller dévaliser les rayons de pâtes et de papiers toilettes. C’est la guerre !
Le problème, à ce moment précis, c’est que je n’avais pas trouvé le frein sur l’âne.
Voyons un peu la case suivante : « Déplacements pour motifs de santé. »
– Forcément, je ne tiens pas à ce que mes ânes tombent malades en mangeant n’importe quoi. Ce qui pousse dans les jardinières des bords de fenêtres de mes voisins, risque peut-être de les intoxiquer. Et que dire du danger de la route !!!
Passons à la case d’après : « Déplacement pour motif familial impérieux… garde d’enfants. »
– Les ânes qui ont le vice de la fugue dans la peau, sont évidemment de grands enfants à surveiller. Mais les considérer comme des membres de la famille, je ne sais pas si ça va passer partout.
Reste l’ultime case : « déplacements brefs, à proximité du domicile ».
– Ça, c’est selon le durée de la fugue et le temps qu’il me faudra pour les rattraper.
« déplacements liées à l’activité physique individuelle des personnes. »
– Évidemment, courir après des ânes trop heureux d’avoir su déjouer les moyens de surveillance, c’est une bonne manière du faire du jogging. Si au moins ils ne couraient pas plus vite que moi!
« déplacements liés au besoin des animaux de compagnie. »
– Voilà une bonne manière de formuler la situation : il n’est pas précisé à quelle vitesse doit se faire le déplacement, ni si les ânes entrent dans la catégorie « animaux de compagnie ».
Bon… Vous l’avez compris… impossible de me prévoir un formulaire avant de partir à la poursuite de ces cochons d’ânes. Heureusement, on est dans un petit village, à la campagne. Il n’y a pas un gendarme derrière chaque arbre. Tout ceci pour dire qu’il existe quand même des imprévus qui, pendant la période de confinement, peuvent nous obliger à aller dehors en toute illégalité. Une chance : mes ânes étaient à portée de vue. S’ils avaient disparu, j’aurais été obligée de faire du porte à porte pour savoir où les retrouver. Je serais vite arrivée à un contact de plus de cinq personnes dans la journée. Ah, Coronavirus, quand tu nous tiens !
L'herbe est toujours plus verte dans le pré d'à-côté
À l’origine de l’escapade :
Mardi 17 Mars : l’ordre est donné à chacun de rester chez soi. Mais mes 4 ânes sont en train de finir leur stock de foin. Ils choisissent bien leur jour ! L’agriculteur est trés occupé mais, finalement, trouve un moment dans la soirée pour livrer deux nouveaux round-ballers. Le portail est ouvert pour faire entrer le tracteur.
Le système d’approvisionnement a été simplifié grâce à l’achat d’une cloche qui permet de placer un round-baller complet dans le pré. Au premier coup d’œil, ce nouveau réceptacle pour foin ne paye pas de mine. Côté esthétique, on n’est pas loin du container à tri sélectif. Mais côté pratique, les ânes ont le droit à un service royal. Foin servi sur un plateau. Service à volonté. Avec un tel confort, on se dit, bien sûr, que les ânes n’auront jamais la moindre envie d’aller voir ailleurs. Au moment de l’installation du foin dans la cloche, Chéri se tient près de nous. Pour parfaire l’installation, des planches sont placées devant les ouvertures de la cloche à cause du terrain boueux. Même si la cloche a pour avantage d’être déplaçable, les conditions climatiques de ces derniers jours ne permettent pas d’avoir un terrain sain, sans une boue collante. Les planches permettent au moins, aux antérieurs, de rester au sec.
Un moment, je me dis qu’il y a quand même quelque chose de bizarre. Je ne vois qu’un seul âne. Redressant la tête, j’ai juste le temps d’apercevoir le postérieur des deux ânesses, en train de filer vers le portail. Grosse négligence de notre part, nous n’avons pas refermé le portail après la venue du tracteur. Trois ânes sur les quatre se retrouvent sur la route. C’est finalement à la faveur d’un morceau de pain que le premier âne (Kiki, l'âne blanc) accepte de franchir le portail dans l’autre sens. Du coup, les deux autres refusent de s’éloigner. C’est comme dans les élections : deux d’un côté, deux de l’autre : il y a ballotage. Je mets le licol à l’ânesse qui, je sais, sera la plus coopérante et la dernière va aussitôt vouloir me suivre. Ouf !
Service à volonté ne vaut pas la liberté
Peut-on reprocher à des ânes d’aimer la liberté ?
Cette liberté qui nous manque tant à tous en ce moment.
Quelle chance néanmoins de vivre ces jours d’épreuve à la campagne, dans un jardin fleuri, avec vu sur des ânes.
Très souvent mes pensées vont à ceux qui doivent rester en appartement, parfois dans des HLM. J’imagine à quel point ça doit être difficile, quand l’espace manque. Je leur souhaite du courage, de garder le moral et la force de tenir. Ce sont quelques semaines, quelques mois de volés dans une vie. Une peine de prison pour innocents. Que notre esprit puisse néanmoins s’évader si nous ne pouvons le faire nous-mêmes. Prenons exemple sur les ânes. Cherchons mentalement les portes qui sont restées ouvertes et nous permettent de vagabonder. Dans quelques mois ce sera l’été et nous ferons la fête.
C'est quand la fin du confinement ?
Commentaires
Chouette article et belles photos. Nous aussi nous nous sommes posé la question pour les "cases" Nous avons gardé un coin auprès de notre ancienne ferme avec moutons lapins et poules. C'est à 4 kms de la maison où nous vivons depuis notre retraite. c'est bien la case animaux de compagnie...Donc mon époux se ballade avec son papelard, son passeport, dans la sacoche de son vélo électrique entre boîte à oeufs et vieux bouts de pain dur.