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Titre du blog : Est-ce que je peux passer chez vous avec mon âne ?
Auteur : aupasdelane
Date de création : 06-07-2009
 
posté le 20-07-2009 à 22:35:47

Questions Réponses sur la rando avec un âne

 

En complément du Questions / Réponses sur l'âne à la page précédente, voici un Questions / Réponses sur la randonnée avec un âne. Ici, tout ce qu'il faut savoir si un jour, l'envie vous prend de partir avec un âne. Ou tout simplement pour mieux découvrir cette nouvelle activité sportive en évitant les préjugés. 

 

Et avec cela, sur la musique de Jeux Interdits, quelques images de la star, Chéri, l'âne qui fait le tour de France.

 

 

 

 



Quelles ont été vos expériences précédentes ?


Mes expériences avec les ânes ont commencé en 2004. Habitant dans la région parisienne et ignorant tout au départ sur ces bêtes, j’ai commencé par des locations d’ânes sur des petites durées. Du 28 Août au 2 septembre 2004, il y eut ma première rando organisée par les Ânes du Haut-Giffre à Sixt- Fer-à-Cheval (74). Cette rando fut précédée d’une journée de stage, où l’on eut le droit à un exercice de parage (taille des sabots). La rando eut lieu en haute-montagne, à trois (+ l’âne) et sans guide. Montée à plus de 2000 mètres. Des passages délicats du GR 5. Des conditions de vie spartiates avec des nuits dans des refuges. Mais aussi des  paysages exceptionnels, avec la découverte  du lac d’Anterne, le déferlement des cascades, ainsi qu’un foisonnement de marmottes et une vue sur le mont Blanc. L’âne, Crumble, était un Grand Noir du Berry plein d’expériences.   


Du 5 au 8 mai  2005, randonnée plus paisible dans le Limousin organisée par Les Ânes de Vassivière (87). Il fallait néanmoins manger pas mal de kilomètres. Le départ se fit à trois avec Praline, petite ânesse très docile. Une région très peu peuplée. Des paysages sublimes d’autant plus que les arbres étaient encore en fleurs. 


En 2004, je fis aussi la connaissance de Brigitte Blot, une randonneuse asinienne chevronnée. Grâce à elle, j’appris énormément ; elle avait l’avantage d’être une femme, comme moi, et grâce à elle, j’ai compris que mes rêves pouvaient tenir la route, ce qui est le cas de le dire. En 2005, avec elle, j’ai passé une journée à faire randonner des enfants “ à problèmes “ appartenants à un Institut Médical spécialisé. Il a fallu, au cours de la journée, gérer certaines crises et certaines angoisses, en plus d’une petite nervosité du côté des ânes. Toutefois nous étions accompagnées d’un éducateur spécialisé. 


Ensuite est venu mon projet d’une traversée de la France avec un âne. Mais mon principal souci était de trouver un éleveur qui allait me faire suffisamment confiance pour accepter de me louer un âne trois mois, ce qui n’était pas gagné. Finalement, l’un d’eux accepta ma proposition ;  Pierre-Yves de Rand’en Ânes . Installé dans le Béarn (64), il avait également le très grand avantage de se trouver sur mon itinéraire, puisque je voulais traverser la France d’est en ouest, en allant du nord de Menton à Hendaye. La rencontre avec Nousty, l’âne avec lequel j’allais faire ma traversée, se fit du 10 au 15 mai 2005. Nousty était un âne des Pyrénées de 4 ans qui avait très peu randonné. Dès que l’éleveur me laissa seule avec lui, impossible de le faire avancer. Ensuite, on essaya de lui faire passer un petit pont. Impossible d’y arriver seule ; j’ai dû appeler l’éleveur et à deux nous avons mis trois quart-d’heure pour y arriver.  Donc, rien de très encourageant... Par dépit, l’éleveur décida de me donner des leçons à moi plutôt qu’à son âne et, en fin de compte, il me rendit un très grand service. 


La traversée de la France d’est en ouest fut mon projet le plus ambitieux. Mais le trajet s’annonçait aussi séduisant que risqué : partir de Castellar, au nord de Menton, traverser ensuite la principauté de Monaco, toutes les Alpes maritimes, puis la Provence, la Camargue ; longer le bord de mer jusqu’à Narbonne ; entrer dans la région cathare ; attaquer les Pyrénées (dans le sens de la longueur s’il vous plaît), pour atterrir (façon de parler) dans le Pays Basque, jusqu’à Hendaye. Bien sûr , personne n’a cru à mon projet qui paraissait fou. Même l’éleveur. Le départ eut lieu le 1er Juin 2005. J’étais quand même accompagnée pour les 15 premiers jours par deux coéquipière successives, mais la première coéquipière avait découvert les ânes en même temps que moi et nous étions donc aussi novices (ou presque) l’une que l’autre  dans ce genre d’aventure. Mais l’éleveur fut bien au rendez-vous. Il nous a laissé Nousty (l’âne) à la frontière italienne ; il nous a accompagné 1 heure, histoire de faire quelques réglages sur le bât (qui déjà se cassait la gueule), puis il nous a laissées toutes les deux, dans les Alpes, avec un âne qui, en plus, avait un air idiot. Et nous non plus, nous n’avions pas l’air très malines une fois que nous nous sommes retrouvées seules, toutes les deux, en pleine nature, avec un âne sur les bras (pour ainsi dire). Donc, il n’y avait pas le choix… Il fallait avancer. D’ailleurs, c’est ce qu’on a fait.  


Mon voyage a commencé comme ça, et je ne me suis pas arrêtée; trois mois plus tard, à l’horizon, j’ai vu une belle tache bleue. C’était l’Atlantique ; j’étais arrivée. C’était une émotion terrible ; d’un côté, j’avais réussi mon  pari ; de l’autre, j’allais devoir définitivement me séparer de Nousty, mon fidèle compagnon de randonnée. Ce moment de la séparation fut très triste, comme un chagrin d’amour. Là, j’ai décidé  que je ne me séparerai plus jamais de mes ânes. Deux ans plus tard, je m’installais en Eure-et-Loir et six mois après, deux ânes venaient habiter le pré qui jouxte ma maison : Chéri, un croisé grand noir du Berry et Philippine, une petite ânesse. Seul Chéri a été habilité à la randonnée ; Philippine n’est que sa dame de compagnie. 


Au début, Chéri ne connaissait rien à la promenade, mais il est très affectueux et semblait attendre qu’on s’occupe de lui. Je l’ai éduqué moi-même et ça n’a pas été difficile. Aujourd’hui, c’est un excellent randonneur qui sait passer partout. 


En 2007, avec lui, j’ai fait des randonnées sur le thème des « ponts de France ». Chéri a passé plusieurs ponts de la Loire ; il a fait le pont de l’île de Ré qui est, encore aujourd’hui, le plus long de France ; il a aussi traversé le pont de Brotonne et celui de Tancarville. Il a été au pied du pont d’Avignon ; il est passé sur le pont du Gard et est allé sous le viaduc de Millau. Enfin, il a également posé les sabots sur le magnifique pont de Valentré à Cahors.


En 2007, j’ai aussi fait une rando de quelques jours en Bretagne (environs de Morlaix), avec Brigitte et son âne Ioko. Et je suis également allée rejoindre quelques jours un randonneur et son âne sur les bords de Loire.   


Pour l’été 2008, un programme très différent, avec juste une traversée du Centre (300 km), jusqu’à Montluçon. La première semaine j’ai été accompagnée d’une amie et de deux ados de 12 et 14 ans. Les deux ados ont réagi d’une manière totalement différente ; le premier s’est attaché à l’âne alors qu’au départ il en avait peur, mais le second en avait plus qu’assez de marcher et il a fait sa crise pour ainsi dire. Tous les deux ont quand même réussi à parcourir une distance d’environ 90 km sur une semaine, en allant de St Agil, jusqu’au château de Chambord.




Que met-on dans les sacoches ?


Déjà, tout le nécessaire habituel du randonneur (gamelle, tasse, couverts, lampe de poche, protège cartes, cartes, guides...), mais dans la mesure où la rando asinienne et généralement plus longue et moins organisée, le matériel de camping est plus étoffé : outre la tente, un matelas, un duvet, un sac à viande, et également une couverture qu’il faut prévoir ainsi qu’un ou deux gros pulls, avec gants et écharpe, même au mois d’août. Le réchaud avec ses recharges est indispensable et une glaciaire et un thermos ne sont pas des luxes. Indispensable également, une bâche, pour des usages multiples : protéger l’âne ou les affaires contre  des pluies fortes, isoler les affaires du sol, etc. Prévoir également de quoi faire des réparations ; scotch fort, bouts de ficelle, etc. Outil indispensable : une pince qui permet de couper et de replacer les barbelés.


Il y a encore, évidemment, tous les effets personnels, mais avec ça, il faut prévoir des vêtements de pluie qui vous protègent de la tête au pied, avec une cape ou, en tout cas, un protège-pantalon k-way. Pour la chaleur, il s’agit de ne pas oublier la casquette ni les lunettes de soleil. Pour le soir, prévoir des chaussures légères.


Avant chaque rando, visite du vétérinaire et maréchal ferrant pour l’âne. Il faut donc prévoir une pharmacie spécifique pour l’âne, laquelle peut être volumineuse et prendre beaucoup plus de place que la traditionnelle trousse de secours. En ce qui concerne ma pharmacie, étant donné les longues semaines de rando dans le sud, il est préférable de prévoir un aspi-venin.


L’âne doit aussi partir avec sa valise : cure-pied, brosse, pince pour enlever les tiques, bandes fluos pour être visible sur la route, tendeurs, ceintures de fixation... ainsi que deux longes longues. Pour cette rando, je prévois de prendre avec moi 2 fers pour ses antérieurs, pour éviter le problème de boiterie de l’année passée. Les fers ont été faits sur mesure. Je ne les ai pas mis au départ car ensuite il faut les changer tous les 300 km environ... Ne me demandez pas comment je paierai le maréchal-ferrant qui devra faire ce travail en chemin, je n’en ai aucune idée. Jusque-là, j’ai réussi à randonner sans avoir à ferrer une seule fois mes ânes. Espérons que ça dure pour cette fois-ci ; ne dit-on pas que les fers (à chevaux et à ânes) portent bonheur ? 


En ce qui concerne l’alimentaire, nécessité de faire un approvisionnement, y compris en produits lyophilisés. Tant pis si on n’aime pas. Prévoir aussi quelques conserves, et dans ce cas, ne pas oublier l’ouvre-boîte ! Pour l’âne, par sécurité, on peut mettre un petit sac de granulés qui peut servir de complément alimentaire.


Quelques ustensiles sont indispensables : des tuperware pour mettre tous les sachets qui peuvent s’abimer, et aussi un seau pour faire boire l’âne. Avant il existait des petites bassines pliables très pratiques, mais elles ont malheureusement disparu de la circulation.


Dans les produits, un peu de lessive pour le linge et un peu de produit vaisselle. Ne pas oublier d’y joindre une petite éponge grattoir et un torchon.


Dans la trousse de toilette, ne pas oublier l’indispensable crème solaire. Il faut aussi savoir que les miroirs font cruellement défaut ; un petit miroir  de poche m’évitera de chercher des rétroviseurs de voitures pour voir la tête que j’ai le matin.  


Ne pas oublier non plus les bouteilles d’eau ; prévoir au moins 2 litres pour n’importe quel départ. L’eau est très importante et on peut toujours craindre d’en manquer.


L’ordinateur, lui, reste à la maison. Mais peut-être une petite radio, car souvent la musique manque cruellement et l’on ne sait plus ce qui se passe dans le monde. Il m’est arrivé à un retour de rando, d’apprendre 4 crashs d’avions en même temps.  

Généralement, il faut essayer de prendre toujours petit et léger. Ce n’est pas parce qu’on est avec un âne, qu’on ne doit pas faire attention. Car il y a tant à emporter !

 

 

Range-t-on les sacoches comme une valise ordinaire ?


Absolument pas. Le plus lourd doit être au fond, et derrière, ne mettre que du mou pour ne pas blesser l’âne. De plus, les sacoches doivent avoir un poids équivalent pour ne pas être déséquilibrées. Nécessité également de mettre le plus utile et le plus urgent sur le dessus : trousse de secours, lampe de poche, pince, carte et vêtements de pluies doivent être facilement accessibles. Le rangement des sacoches est toujours un vrai casse-tête et il arrive toujours un moment où l’on passe une heure à chercher quelque chose. C’est probablement le côté le plus désagréable de la rando. 


Même si les sacoches ferment bien, il faut isoler toutes les affaires à l’intérieur dans différentes épaisseurs de sacs plastique ; ceci est indispensable car avec les pluies violentes, l’eau s’infiltre partout. Plusieurs jours de fortes pluies revient à plonger les sacoches au fond d’un bassin. Il faut donc une imperméabilité parfaite. Anecdote significative : je me souviens avoir eu, après plusieurs jours de pluie, le bout des doigts complètement abimé ; c’est exactement ce qui arrive lorsqu’on laisse longtemps ses mains dans l’eau. 



Combien de km fait-on en moyenne avec un âne ? 


La marche avec un âne ne doit pas être envisagée comme une manière de faire des performances au niveau kilométrique. Le plaisir est celui de pouvoir avancer avec lenteur. (Celui qui veut aller vite n’a qu’à prendre sa voiture !) On dit généralement que le randonneur accompagné d’un âne va plus lentement que le marcheur qui porte son sac, soit environ  3 km/h ; c’est souvent vrai mais pour des raisons qui n’ont pas de rapport avec le rythme de marche de l’animal : la raison à cela est que l’on s’arrête beaucoup plus souvent, notamment pour laisser l’âne manger, pour lui permettre d’aller saluer ses copains ânes ou chevaux rencontrés en chemin et, parce que nous-mêmes, nous serons souvent arrêtés par des gens qui voudront nous parler, voire prendre la photo des enfants avec l’âne. Mais l’essentiel du temps perdu sera surtout par rapport aux obstacles rencontrés en chemin : un arbre couché par la tempête ou un tuyau d’arrosage qui asperge le chemin suffisent à compliquer sérieusement le trajet et peuvent nous forcer à faire un demi-tour ; certains passages étroits ainsi que les chicanes nous obligent à débâter (c’est-à-dire enlever les sacoches) ; les escaliers deviennent plus compliqués lorsqu’il faut les descendre et si les ponts sont ajourés ils sont généralement inaccessibles au sabot de l’âne. Tout ceci fait donc perdre beaucoup de temps. Le traditionnel scénario de l’âne têtu, qui ne veut plus avancer est généralement lié à la nature de ces obstacles. Autre cause de retardement, le temps nécessaire pour replier les affaires et bâter l’âne : il faut compter au moins  2 heures de préparatifs après le réveil. Une fois j’ai assisté aux préparatifs du départ de randonneurs qui s’étaient imposés une discipline militaire avec lever à 5 h. du mat et organisation parfaite dans le rangement. Quand ils ont pu enfin partir, il était 7 h. Ces 2 h. de préparatifs me paraissent donc incompressibles. 


Ajoutons à cela que certains petits ânes ont un rythme de marche assez lent. Ce n’est pas le cas de mon âne, qui est un bon marcheur et a de bonnes enjambées.


 S’il faut établir une moyenne, on peut envisager pour un trajet en basse montagne, une distance de 100 km en une semaine, soit une moyenne journalière de 15 km par jour. 



Quels chemins choisit-on ?


Tous à l’exception du périphérique et de l’autoroute. Il arrive même de longer des voies express ou des bords de nationales ou les bas-côtés font cruellement défaut. Paris est interdit aux équidés (sauf dérogation préfectorale) et j’ai eu l’occasion d’apprendre que l’accès à certains grands ponts l’est également, essentiellement pour des raisons administratives. Les routes départementales sont souvent beaucoup moins agréables et plus ennuyeuses que les petits chemins qui passent à travers champs, prairies et forêts, mais elles ont l’avantage d’éviter les désagréables mauvaises surprises des obstacles imprévus. C’est donc la solution à laquelle on opte lorsque l’on est un peu fatigué. Mais le goudron a pour inconvénient d’abimer beaucoup plus les sabots. En dehors du bitume, cela dépend aussi des ânes : le mien n’aime pas marcher sur les chemins caillouteux et il n’aime pas non plus se mettre les sabots dans la boue ! 



Où dort-on ? 


Où l’on peut et aussi où l’on veut. Si on a les moyens, on peut opter uniquement par les auberges et hôtels de luxe à chaque étape en déjeunant et en dînant à chaque fois dans des restaurants. Tout cela pour dire que la rando avec un âne n’impose pas nécessairement des conditions de vies spartiates : si elle ne dure pas longtemps, il est même possible d’organiser chacune des étapes à condition de prévoir large dans le temps et de bien connaître à la fois le chemin et l’âne. Certains éleveurs proposent des randonnées de ce genre  et cela n’a plus grand chose à voir avec l’aventure. 


Mais au-delà de 150 km, toute forme d’organisation devient beaucoup plus difficile, déjà parce que l’âne va prendre des chemins qu’il ne connaît pas et qui vont, inévitablement, présenter un certain nombre d’obstacles. En fin de compte, à chaque détour de chemin, on ne sait pas si on pourra encore avancer. A part les parcours équestres, aucune carte ne va nous dire si la suite du chemin est praticable ou non. Quant aux parcours équestres, ils peuvent aussi nous piéger avec les distances. Bref, on est perpétuellement dans ce genre d’interrogations. Ajoutons à cela les moments assez nombreux où l’on se perd et, au final, il est impossible de savoir où l’on sera le soir même.  


Ce sont ces circonstances qui font que l’on doit envisager une parfaite autonomie pour pouvoir passer la nuit. Il m’est déjà arrivé de perdre trop de temps en montagne, pour réussir à redescendre dans la vallée avant la nuit. Dans ce cas, on reste dans les hauteurs et on y plante sa tente. Cette situation qui peut devenir alarmante pour des randonneurs sans âne peut au contraire, faire partie de l’ordinaire pour des randonneurs asiniens qui sont, de toute façon, beaucoup mieux équipés.


En dehors de ces circonstances, les structures qui peuvent accueillir les ânes sont nombreuses et variées. Parmi elles, beaucoup de campings, même parmi les plus touristiques, acceptent la présence de l’âne. De même, les centres équestres, mais à plusieurs reprises certains ont essayé de me faire payer un prix exhorbitant, si bien que la nuit de l’âne finissait par coûter 2 ou 3 fois la mienne ! Inversement, des centres équestres et des campings acceptent d’héberger gratuitement, en échange de l’animation que vous proposez. Il n’est pas rare non plus d’avoir des habitants qui vous proposent l’hébergement pour vous et pour l’âne, surtout si on est une femme seule. Mais dès que l’on est deux, les propositions d’hébergement fondent comme neige  au soleil, et ne parlons pas des randos où l’on est plus de deux. A ce cas, je connais une histoire qui fait exception. Un jour, une femme qui travaillait dans une agence de tourisme, a rencontré deux couples qui randonnaient avec deux ânes d’ouest en est et elle a décidé d’inviter tout ce beau monde chez elle. Mais juste après ça, je la rencontre, alors que moi je voyage d’est en ouest. Elle décide aussi de m’inviter. Le soir, elle se retrouve donc avec 5 randonneurs et 3 ânes, alors que déjà, toute la journée, elle a dû discuter avec des touristes !


Dans les beaux jardins bien entretenus, difficile de faire tenir un âne toute une nuit, mais certains ont aussi des prés, voire même des écuries privées... ou bien, on se débrouille avec un voisin. Il y a bien sûr des lieux où l’hébergement d’un âne devient vraiment problématique. C’est le cas des villes, mais aussi de certains coins de France qu’on n’imagine pas forcément. C’est par exemple le cas de la Camargue ; trop de moustiques à certaines périodes, pour envisager la solution du camping. Généralement, les zones marécageuses posent problème.  Dans certaines parties des Pyrénées le camping sauvage est interdit afin de préserver les zones de pâturage et dans d’autres coins, c’est à cause de la présence de l’ours. 


Plusieurs fois, il m’est arrivé de mettre l’âne sur des terrains qui étaient très pauvres en herbe. Si je n’ai pas de compléments alimentaires, je peux aller l’attacher quelques heures dans une prairie voisine, ou à la lisière d’un bois, ou sinon, le lendemain, je m’arrête un long moment dans la journée pour le laisser manger. 


Lorsqu’il n’a pas assez à manger, mon âne tape du pied et boude comme un enfant. Il peut aussi se mettre à braire la nuit ! (alors qu’autrement on ne l’entend pas). Mais parfois, il arrive que je sois bien logée et lui très mal et que les circonstances s’inversent par la suite, lui étant à son tour bien logé et moi très mal. Bien sûr, le fait de partir sans argent risque de compliquer un peu plus la situation.


Il faut aussi savoir qu’il existe une loi qui nous autorise à camper sur une propriété privée si jamais on est piégé par l’arrivée de la nuit et qu’il y a nécessité  de nous installer pour dormir. 


De toute façon, on ne va pas rester dormir debout... 



Est-on bien accueilli avec un âne ? 


Le plus souvent oui et parfois des accueils vraiment formidables, mais dans les refus, on remarque que certains le font avec du dédain et du mépris. Ajoutons à cela quelques fous qui portent plainte pour odeur ou autre stupidité de ce genre, en faisant jouer le fait que ce genre d’animal n’a pas le droit de s’introduire dans leur commune. 



N’est-il pas dangereux pour une femme d’être hébergée par des inconnus ?

 

C’est la question classique. Il y a un danger, on ne peut pas nier, mais c’est certainement pas le pire des dangers lorsque l’on randonne avec un âne. Maintenant, grâce aux portables, on peut en deux secondes, composer un n° d’urgence. Déjà, avec un âne on ne passe pas inaperçu. Ensuite, j’ai toujours des proches qui savent où je suis et avec qui et même parfois, des journalistes. J’essaye autant que possible de m’installer là où il y a du réseau et je n’hésite pas à faire part de mes soupçons si je suis inquiète. Le fait de ne pas avoir d’argent est une insécurité de plus, mais il faut savoir que l’âne me protège également. C’est un animal aussi impressionnant qu’un gros chien et la nuit, si on s’approche en silence de ma tente et de mes affaires, il se mettra à braire. 


Le plus inquiétant est sans doute ce constat d’un climat social qui se dégrade et cela se remarque au fil des ans. De plus en plus de désœuvrés, de fous, de gens en détresse... Surtout une grande indigence, pire que la pauvreté, et que l’on remarque bien en marchant. Ça va si vite qu’on peut se demander  si un jour il  sera encore possible pour une femme de randonner seule. Déjà, le fait de porter un short pose problème alors que quelques années en arrière, personne n’aurait eu l’idée de remarquer que vous exhibez ainsi vos cuisses. Mais de plus en plus, tout et n’importe quoi finit par prendre une connotation sexuelle. Du coup, pour les femmes, des libertés qui se restreignent. C’est aussi pour ça que j’essaye d’aller à contre-courant en essayant d’apporter un peu d’humanité par des échanges et une façon de voyager qui nous ramènent aux fondamentaux de la vie en collectivité.



Qu’est-ce qu’il existe comme autres dangers ?  


En priorité et de loin, les dangers liés à la circulation routière, surtout lorsqu’il faut marcher le long des routes sinueuses de montagnes, ou traverser sans arrêt des nationales avec l’âne, je précise et, à ce sujet, on peut aussi évoquer le danger des passages à niveaux. Quand un âne a peur, son réflexe est de se bloquer sur place. Or, le signal automatique avec les barrières qui se baissent peuvent l’effrayer. Le pire est qu’il pourrait vouloir fuir en direction de la voie. Le problème des passages à niveaux est qu’il n’existe pas de moyens d’éduquer l’âne à ce genre de situation. Je connais déjà le cas d’un randonneur qui a vu son âne se bloquer sur la voie et ce sont des jeunes en mobylette qui sont venus à son secours.


Ensuite, la nature des dangers varie selon l’endroit où l’on se trouve. Un des pires dangers sur certains bords de mer et marécages est l’enlisement de l’âne. Là encore,  j’ai entendu parler de l’histoire d’un randonneur qui a dû faire héliporter son âne, parce que même la voiture de pompier n’avait pas réussi à le dégager. 


Il y a également les dangers de la montagne. Principalement les incendies de forêts. S’ils arrivent dans la nuit alors que vous avez installé votre tente en pleine nature, il y a vraiment de quoi paniquer. Sinon, il y a aussi les dangers de chute dans les ravins, d’autant plus que les petits sentiers ne sont pas forcément prévus ni pour la largeur, ni pour le poids d’un âne chargé. Dans ce genre de situation, il faut laisser faire l’âne et ne pas le forcer à avancer s’il ne veut pas. C’est l’âne lui-même qui va évaluer la possibilité d’avancer ou pas. S’il s’arrête, c’est qu’il y a un risque réel. L’autre difficulté de ses sentiers de montagne, est de croiser un autre randonneur qui vient d’en face. Souvent, celui-ci doit s’arrêter ou revenir en arrière pour trouver un creux dans la roche et quand  ils sont plusieurs cela se complique. Mais le pire c’est quand je dois moi-même passer soit devant, soit derrière l’âne, notamment pour un demi-tour. Pour moi, pas d’autre choix que celui qui consiste à doubler l’âne côté ravin et j’ai quelques souvenirs comme ça où j’ai réussi à passer en m’agrippant à la longe avec le vide en-dessous, comme si tout à coup je me mettais à faire de l’alpinisme. 


Les autres dangers sont liés aux changements climatiques, avec bien sûr, les orages, mais aussi les tempêtes et les brusques changements de températures. Les brouillards ne sont pas seulement une menace pour les conducteurs : certains vous masquent absolument tout le paysage et vous n’avez plus aucun moyen de vous repérer. Et sur un bord de route, même avec les bandes fluos et la lumière vous devenez totalement invisible à plus de 10 mètres. 


Autre danger non négligeable, les éboulements. Vous voyez parfois des pierres qui glissent et en entrainent d’autres, et vous vous demandez si ça va vraiment s’arrêter et si un rocher plus gros ne va pas vous tomber sur la tête. 


Dans les forêts et zones sauvages vous pouvez aussi avoir quelques chasseurs embusqués qui peuvent prendre l’âne pour un gibier. C’est ce qui m’est arrivée l’année dernière en Sologne. C’est tout à fait imprévisible. Vous avez la détonation, l’âne qui fait un écart. Pas le temps d’avoir peur. 


Enfin, il y a le danger de d’autres animaux. Contrairement aux autres randonneurs sans âne, pas de crainte avec les chiens car sur ce point l’âne assure une véritable protection. Quant au danger des vipères, il est aussi limité par la présence de l’âne qui les fait fuir avec la vibration de ses sabots. Je m’en rends compte notamment lorsque je marche le long de la route ; c’est seulement là où je peux les voir s’enfuir. Mais on a l’impression que certaines régions en sont infestées. Enfin il y a le danger de toutes les bêtes qui risquent de  vouloir charger, notamment à cause de la présence de l’âne qui peut paraître incongrue. Il y a déjà toutes les bêtes à cornes dans les prés qu’il faut traverser et il y a aussi les bêtes sauvages : sangliers, cerfs qui approchent parfois de bien près. 


Mais pour reprendre les propos d’un ami aventurier, le pire des dangers est de se méfier de tout. On finit par se cloisonner chez soi. On ne profite de rien, on s’ennuie et on meurt idiot. 


En ce qui concerne les hommes, n’avez-vous pas eu peur certaines fois ?


Outre les rôdeurs et exhibitionnistes, j’ai le souvenir de trois faits marquants. 


Le premier est d’avoir été logée par un type bourru, qui habitait dans une bicoque délabrée au milieu d’un décor complètement sauvage et isolé avec un fusil planqué dans les toilettes ; l’homme m’avait été conseillé par quelqu’un mais une autre personne m’avait fortement déconseillé de se rendre dans cet endroit. J’ai fini par comprendre pourquoi. Mais je suis restée à la fois émerveillée par le cadre et en même temps très inquiète par la genre de questions qu’il me posait.  


Le second souvenir est sans doute le pire. Surpise par la pluie dans un village qui paraît désert, je frappe à une porte. Là, un homme m’ouvre ; aspect androgyne, étrange tenue ; étrange décor et un éclairage aux chandelles. Il me propose de m’installer dans une cabane aménagée dans son jardin et qui est “ sa cabane d’été”. A l’intérieur, là encore des éclairages à la bougie, ainsi que des livres ésotériques et un décor étrange. Egalement, une sorte de thèse, mais illsible et des prospectus invitant à participer à des séminaires moyennant des sommes exorbitantes. En fait, ça sentait la secte à plein nez. Mais, je pensais au moins être isolée dans ma cabane. Erreur, car mon hôte m’annonça qu’il allait venir s’installer dans la cabane, dans une chambre voisine, en plein milieu de la nuit. Après vérification des lieux, toutes les pièces communiquaient les unes aux autres, rien ne fermait à clefs. Quand il m’a annoncé ça, l’âne était débâté, les affaires sorties des sacoches, la nuit commençait à tomber et il pleuvait encore. J’étais donc prise au piège. La nuit je l’ai entendu effectivement venir, mais il a fait ce qu’il a dit ; il est allé dormir dans la pièce voisine.


Le troisième souvenir est nettement différent, déjà parce que cette fois j’étais accompagnée d’une coéquipière. Mais on s’était retrouvée à camper  dans un champ isolé aux environs de Nantes, alors que c’était la psychose à cause d’un tueur en série. A un moment, au bord du champ, une voiture qui s’arrête. Là, un homme en sort et nous dit qu’il ne vaut mieux pas rester là à cause du tueur en série. D’ailleurs, comme il est seul, il peut nous héberger chez lui. Puis il ajoute qu’il connaissait très bien la dernière victime. La phrase à ne surtout pas dire !

Du coup, pour mon amie, l’homme devenait sans aucun doute le suspect n°1 et la hantise fut donc de le voir revenir. De plus, les batteries de nos deux téléphones portables qui faiblissaient et ensuite, ce furent nos lampes... Donc, il y avait là toute une atmosphère, de quoi paniquer...  

 

Commentaires

alain76 le 28-12-2012 à 15:49:04
bonjour Emmanuelle, j'ai découvert par mon amie Catherine du Plessis Bouchard le livre de votre randonnée avec Nousty, livre qu'elle vous avez demandé de me dédicacé à Franconville le 19/12 dernier.

J'ai eu beaucoup de plaisir à lire vos aventures avec ce compagnon anodin, j'ai ri à vos commentaires face à la réaction de ces gens rencontrés de çi de là. Une chose est certaine, après cette lecture, je ne verrai plus les ânes de la même façon il m'aura fallu 61 ans pour me rendre compte qu'ils sont loin de mériter d'avoir donné leur nom à un bonnet pour cancres.

Merci pour cette sublime promenade et qui sait peut être un jour me sera t il donné de vous croiser en Normandie avec Chéri à moins que ma route ne passe par l'Eure et Loir. je vous souhaite encore plein d'aventures en compagnie de vos compagnons Amicalement vôtre A. LEFEBVRE