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Titre du blog : Est-ce que je peux passer chez vous avec mon âne ?
Auteur : aupasdelane
Date de création : 06-07-2009
 
posté le 26-09-2009 à 10:39:47

Des kilomètres qui usent les sabots...

 

Encore beaucoup à faire et désolée de ne pas apporter, pour l’instant, de réponses personnalisées. Certains attendent encore que je les contactent. Je ne manquerai pas de le faire dès que je serai moins surchargée.

 

Sur cette page de mon livre d’aventure internet, je vais vous parler des kilomètres parcourus.

 

Mais d’abord cette question : pourquoi marcher ? Et surtout pourquoi marcher aussi longtemps et sur d’aussi longues distances ? 

 

C’est certain, à la base il faut aimer marcher. Quand vous marchez vous n’êtes tributaire d’aucune machine ; c’est vous qui avancez et seulement vous. Donc ce sont vos kilomètres et non pas ceux que l’on obtient avec l’aide, par exemple, d’une voiture. Marcher avec un âne ajoute certains avantages : on  marche léger (sans souffrir du poids d’un sac à dos) et on a une autonomie ; qu’importe par exemple si on se perd en montagne : on a de quoi boire, manger, dormir, s’abriter et se réchauffer si nécessaire. Pour être plus explicite sur ce point, il y a des tas de situations que j’ai connues, notamment en montagne, où, si je n’avais pas eu mon âne, j’aurai dû appeler les secours. Donc, avec un âne, un peu plus la liberté d’aller où l’on veut sans avoir à fixer des heures et des distances... De plus on peut se faufiler un peu partout, se fondre complètement dans le décor de la nature et choisir des chemins un peu au hasard, en fonction de l’attrait qu’ils vous proposent. Quant au moment de s’arrêter, c’est quand on veut ; quand la fatigue arrive, quand le lieu paraît agréable, et en surveillant quand même un peu le soleil : mieux vaut mettre la tente avant que la nuit tombe. 

 

Marcher de cette façon, c’est fuguer. Et de cette sorte, vous intégrez pleinement le paysage. Vous n’êtes plus seulement spectateur, mais acteur :  vous êtes comme happés ou avalés par les lieux qui vous environnent, car vous n’êtes plus qu’une petite fourmi dans cette immensité du paysage. Mais vous avancez, vous tracez votre sillon ; vous avez l’impression de partir à la conquête de cette espace qui vous engloutit.  

 

Ce plaisir de la marche est-il partagé ? Pour mon âne qui porte mes affaires, on peut penser que le point de vue est un peu différent. A ce sujet je dirai, chacun son rythme de marche. L’âne a son rythme. J’ai le mien. Ce n’est pas toujours le même. Il faut donc composer. Parfois Chéri ne veut plus avancer ou veut marcher d’un pas lent alors que j’ai envie d’aller vite ; parfois c’est le contraire : mon âne est agacé de me voir m’arrêter sans arrêt ; il me donne des coups de tête et me bouscule pour que je me mette en marche. L’âne n’est pas une machine qui se met en route quand on appuie sur le bouton ; il a lui aussi une personnalité, des envies, des caprices...

 

C’est vrai que la marche n’est pas constituée que de moments agréables : parfois on est quand même obligé de marcher vite, parce qu’on est attendu, parce que le temps est menaçant ou, parce que la nuit va tomber et qu’il n’y a aucun endroit pour mettre la tente... Il y a aussi les bords de route peu agréables avec beaucoup de circulation et des détritus sur le bas côté. Vous êtes obligés de mettre les pieds là-dedans, c’est dégueu : on en veut à tous ces automobilistes qui balancent négligemment des trucs par la fenêtre de leur voiture ; c’est vraiment de l’inconscience de croire que la nature nous sert de poubelle... Il y a aussi les jours de fortes chaleurs, des chemins sans le moindre ombrage ; le soleil qui tape sur la tête ; la sueur qui mouille les vêtements... Personnellement, je supporte bien les fortes chaleurs, mais malgré ça il y a quand même des moments pénibles. Généralement ces moments ne durent pas plus de dix minutes, mais il faut les tenir ces dix minutes, d’autant plus que l’âne subit lui aussi : lui aussi transpire et souffre de la chaleur. Mais face à ce genre de situation, les solutions se trouvent rapidement : un peu d’ombre, un peu d’eau, voire même un peu de repos. A cela, j’ajoute une précision : à chaque fois en milieu de journée, grande pause de 2 heures environ pendant laquelle l’âne était systématiquement déchargé. Seul le bât restait sur son dos, mais en même temps je le desserrais au niveau de la sous-ventrière pour qu’il puisse ne pas être gêné par la sangle. 

 

Malgré les moments peu agréables de la marche - je pourrais parler aussi de ceux où il y a la faim et de ceux où il y a la peur - et malgré la nécessité de porter, pour monsieur l’âne, il semble bien que Chéri apprécie lui aussi, de son côté, les joies de la marche. Il suffit de le voir : il est parfois tout fringuant et plein d’entrain. Mais là où son comportement est le plus étonnant, c’est en montagne, lorsqu’il faut grimper. Bien sûr, pour lui, il ne faut pas aller trop vite ; il faut prendre son temps et s’arrêter quand ça grimpe trop, pour souffler. Mais en même temps, chez lui, un véritable allant ; s’il s’est décidé à s’arrêter il est tout aussi décidé à repartir ; il voudra surtout avancer si des arbres ou des arbustes lui bouchent le paysage. En fin de compte, il adore avoir une perspective. Quand enfin son champ de vision s’élargit, il s’approche du premier ravin, se plante devant et ses yeux étudient avec attention le fond de la vallée. Comme ça, il évalue la distance qu’il a déjà parcouru et parfois il regarde aussi vers le sommet pour savoir la distance qu’il lui reste. 

 

Dans certains cas, quand il s’agit de routes de montagnes où circulent des véhicules, ces véhicules deviennent des indices qui vous permettent d’apercevoir la suite du chemin sur des kilomètres de routes qui serpentent. Chéri semble avoir compris cela. Une voiture le double, il continue à la suivre du regard et les oreilles bien droites, il la regarde encore quand elle n’est plus qu’un petit point au loin, qui avance à flanc de montagne. Peut-être la marque d’une certaine lassitude dans sa tête d’âne qui doit se dire : encore tout ça à parcourir ! encore tous ces kilomètres à grimper !

 

Il n’empêche que quand il prend de l’altitude, on a l’impression qu’il se requinque à la seule vue du paysage. La tête dressée, l’œil vif, les oreilles bien droites et attentives au moindre bruit,  il domine la vallée, fier comme un coq, oublie sa fatigue, sa faim, reste figé devant le paysage, tel un rocher en porte-à-faux au-dessus du vide. Parfois, il s’approche tellement du bord, qu’il me donne le vertige.

 

Souvent, on me pose la question : vous prenez des routes ou des chemins ? Bien sûr, généralement je préfère marcher sur des chemins que sur des bords de route. On hésite quand le chemin rallonge un peu trop ou quand il risque d’être inaccessible pour l’âne ; on tient compte aussi du temps : sous la pluie le joli petit chemin de terre peut se changer en un infâme parcourt boueux ; vous ne marchez plus, vous pataugez. Et si en plus vous vous perdez, ce qui arrive assez souvent sur les chemins, vous pataugez en rond sous la flotte, ce qui n’a rien d’agréable.

 

Parfois, on a des bonnes surprises : on tombe sur de merveilleux chemins là où on s’y attend le moins, ou des déceptions : on croyait prendre un chemin mais il est impratiquable pour l’âne. Mais le choix entre chemin et route n’est pas forcément aussi tranché : il y a parfois des petites routes de campagne ou de montagne, qui sont presque désertes et peuvent s’apparenter à des chemins.

 

Dans les bonnes surprises, la possibilité par exemple de contourner Montluçon par des chemins.L'un longe un canal ; l'autre est une ancienne voie ferrée. Avant ça, j’ai dû bien me renseigner car le trajet est aussi un véritable labyrinthe. Mais je me suis prise au jeu, et le résultat, ce fut la possibilité d’avoir un parcours très agréable, avec juste un moment où j’ai été ennuyé par des travaux qui me barraient la route. Mais quand on contourne une agglomération aussi importante que celle de Montluçon, on ne pouvait pas s’attendre à mieux. 

 

Autre bonne surprise : à Toulon, la grande piste cyclable isolée de la route qui vous permet de marcher en évitant les voitures. Seul bémol, parfois on est quand même obligé de quitter la piste cyclable et là plus de trottoir, plus rien pour les piétons dans une ville où la circulation est infernale. 

 

Dans les déceptions, le regret de voir certains chemins impraticables, soit dans le sud de l’Auvergne, soit en Corse. Ceci, parfois pour des raisons futiles : parce que les chemins sont mal entretenus, mal indiqués ou juste à cause d’un passage, sur dix mètres, que l’âne ne peut pas franchir. 

 

En Ardèche, le problème est plus particulièrement celui des panneaux. Dans cette région le panneau est un endroit où toutes les âmes littéraires et artistiques se défoulent : dans une sorte de méli-mélo, les panneaux de l’Ardèche vous indiquent à la fois les routes et les chemins, l’endroit où vous trouverez un médecin et la ferme où vous pourrez acheter votre miel. De plus les villages sont souvent dans des culs de sac qui débouchent sur des routes circulaires. Autrement dit, pour aller à un endroit précis, on peut vous indiquer à la fois une direction et la direction opposée. Les routes elles-mêmes se changent pour devenir chemin et redevenir route un peu plus loin. Et tous sont barbouillés d’indications de GR, ce qui n’a plus aucun sens, au sens propre du terme ! De même, ne pas se fier à la présence de quelques maisons sur le chemin : il y a des tas de maisons dispersées un peu partout qui ne vous indiquent pas forcément l'entrée d'un village. Autrement dit, l’Ardèche vous donne l’impression d’un paysage destructuré où l’on ne sait plus vraiment ce qui distingue une route d’un chemin et un village de ce qui n’est pas un village. Cela, bien sûr, donne un certain charme à la région, mais en ce qui me concerne, plutôt de quoi fulminer : pendant deux jours je n’ai rien fait d’autre que m'y perdre. 

 

Certains penseront que la Corse n’est pas mieux. Peut-être, mais le fait est que je ne me suis pas égarée en Corse comme dans l’Ardèche. On peut penser que mes expériences dans l’Ardèche m’ont préparée à la Corse. Ce n’est pas complètement faux, mais on est dans une situation différente. Là, le problème des chemins est surtout celui de régions escarpées. Déjà, grande méfiance à avoir envers le chemin que l’on va vous conseiller. Les Corses ont beau être des habitués des lieux : eux-mêmes tombent régulièrement dans leurs ravins, que ce soit en voiture ou à pied ! Ce sont donc des chemins souvent risqués. Si on vous les conseille malgré tout, c’est parce que les risques se définissent selon un pourcentage assez aléatoire mais qui donne généralement lieu à de longues discussions de rue. Ajoutons à cela le facteur “âne” et bien sûr vous n’aurez pas deux personnes qui auront le même avis sur la question. 

 

Une situation bien particulière aux chemins corses. Vous voyez un village perché. Vous êtes environ à 1 km et vous savez qu’il existe un chemin. Un kilomètre, c’est rien, surtout quand on voit déjà le village. Sauf qu’entre le village et vous, il y a un véritable labyrinthe : il faut parfois prendre la direction la moins évidente, ouvrir des barrières, avancer entre les vaches ou au milieu des vignes... A croire que c’est fait exprès ; comme si le village cherchait à se protéger contre d’éventuels assaillants.

 

Ce qui est vrai avec les villages l’est aussi avec les maisons. Vous voyez un bout de toit, les oreilles d’un âne, mais comment arriver là ? Vous tournez dans un sens et dans l’autre, rien : impossible de trouver un sopupçon de chemin qui vous mène à l’endroit attendu. Une fois, j’ai dû renoncer...

 

En résumé, je dirai que - presque tous les jours - j’ai réussi à prendre des chemins, au moins pour un bout de mon parcours journalier. Mais la route est parfois inévitable et, il faut le dire, certaines routes qui serpentent dans la montagne sont dangereuses. Je pense notamment aux routes auvergnates : en Auvergne très peu de bas-côtés et la végétation vous cache des voitures. De plus, certaines routes de montagne sont de grands axes routiers assez fréquentés.

 

Ma randonnée de cette année avait pour particularité – et difficulté – de ne proposer aucun chemin prédéfini (ou très peu). Etant donné que je prenais toujours la direction sud-est, j’étais déjà à contre-sens des chemins de Compostelle. De même, peu de GR car je ne me suis pas rendue dans des coins spécifiques aux randonneurs. Donc, chaque fois il fallait que je me creuse la tête pour savoir où j’allais réussir à passer avec mon âne.

 

Toutefois, en Auvergne, une aide précieuse et inattendue de l’asinerie Volc’âne. Des cartes et des plans qui m’ont été offerts par l’asinerie. Des dizaines de kilomètres de chemins sur lesquels j’étais sûre de pouvoir passer avec Chéri. Grand merci à cette asinerie qui m’a permis de randonner avec insouciance dans le merveilleux pays des volcans.

 

 

A présent, voici un petit topo des kilomètres parcourus :

 

 

AUVERGNE 

 

Chazemais / Saint-Ours : 122 km

Saint-Ours / La Chaise-Dieu : 112 km

La Chaise-Dieu / Yssingeaux : 55 km

 

+ Puy de Dôme (2jours) : 14 km

 

Total des km parcourus à pied en Auvergne : 289 km + 14 km = 303 km

 

 

ARDECHE + DRÔME 

 

St Félien / Crest : 77 km

 

 

PROVENCE

 

Vaison-la-Romaine / Aix-en-Provence : 127 km

 

 

Total des km parcourus à pied sur le continent : 507 km

 

 

CORSE

 

Ile Rousse / Corbara : 5 km

Corbara / Algajula : 7 km

Algajula / Aregno : 5 km

Aregno / Cateri : 2,8 km

Cateri / Montemaggiore : 7 km

Montemaggiore / Lumio : 4 km (par chemins)

Lumio / Moncale (10 km par chemins + 4 km après en montagne)

Moncale / Galéria : 28 km

Galéria / Osani : 29 km

Osani / Partinello (plage) : 5 km

Partinello (plage) / Serriera : 11 km

Serriera / Porto : 5 km (+ détour Marina de 3 km).

Porto / Piana : 12 km

Piana / Cargèse : 18 km

Cargèse / Sagone : 13 km + 3 km pour aller au centre équestre.

Sagone / Tiuccia : 7 km + 3 km du centre équestre.

Tiuccia / Pévani : 14 km

Pévani / Ajaccio : 22 km.

 

Total de km parcourus à pied en Corse : 217, 8 km

 

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TOTAL des Kms parcourus à pied : 725 km

 

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Trajets en transport routier animal :

 

Yssingeaux / St Félicien : 56 km

Crest / Vaison-la-Romaine : 79 km

Aix-en-Provence / Toulon : 81 km

 

Total des kms en transport routier animal : 216 km

 

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TOTAL de la distance parcourue : 941 km (+ environ 400 km de trajet en mer) 

 

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N’oubliez pas non plus de voir les pages précédentes du blog, notamment la page des panneaux humoristiques, qui a été complétée avec les panneaux rencontrés en chemin et notamment les “ fameuses pancartes de l’Ardèche” dont je parle ci-dessus. En ce qui concerne les autres photos de la randonnée, celles-ci restent limitées pour l'instant ; mes problèmes de caméra rencontrés en chemin (voir pages précédentes) font que, pour l'instant, je ne peux pas sortir toutes les photos. 

 

Dernière petite précision : le compteur des visiteurs du blog  hier a franchi la barre des 1000 avec une moyenne quotidienne de 12 visiteurs. Merci à vous tous pour l'intérêt que vous portez à mon voyage...

 

 

 

 

 

Commentaires

soledad visiteuse le 28-09-2009 à 20:25:47
Voilà déjà le lundi passé, sous un soleil généreux, Je viens de lire tes posts, les derniers, je comprends que le retour à la vie normal te semble dure, elle est souvent tellement banale.

Par contre, je ne suis pas trop étonnée quand tu dis que certaines personnens t'ont refusée l'accueil parce que tu voyageais sans argent... Les gens ne vivent plus que pour ça!

Mais la vie c'st bien autre chose!

quelle agréable arrière saison !

Je te souhaite une belle soirée.

A bientôt et bonne semaine
lejardindhelene le 26-09-2009 à 15:12:54
Passionnant et impressionnant...J'en retiens que vous étiez vraiment deux, rien de possible l'un sans l'autre...


Un plaisir de te lire...