Après ces quelques semaines de silence, me revoici alors que le printemps est en train de cheminer tout doucement vers l’’été. Chéri et sa compagne Philippine ont rejoint depuis un mois leur pré d’été qui est seulement à quelques kilomètres de la maison. Cette année, l’herbe n’était pas très haute et donc pas de quoi s’empiffrer, mais ce n’est pas plus mal : Chéri, comme ça, va pouvoir conserver sa ligne de “ grand sportif de la rando ”.
Avec le retour du beau temps, c’est également le retour des salons et foires aux ânes. Donc, pratiquement chaque week-end, petit déplacement avec mes livres, notamment pour des animations locales. Le week-end dernier, j’avais été invitée par Perch’âne à St Denis d’Authou, pour une journée consacrée à l’âne randonneur. Le week-end d’avant, il s’agissait d’un salon du livre à Souancé-au-Perche. Quant à la prochaine semaine, je serai le lundi de Pentecôte à la célèbre foire aux ânes de Lignière.
Non, je ne craquerai pas et je n’irai pas racheter un nouveau petit âne, bien que parfois la tentation soit grande. Avec un achat d’âne, on est déjà dans les gros investissements. Il faut de l’espace et de l’herbe, et déjà, ce n’est pas très facile de trouver quelqu’un pour vous proposer un coin herbeux. Ensuite, il y a l’entretien : parage, soins véto, foin l’hiver, eau, pierre à sel, abri, etc. Et ne pas oublier non plus que l’âne vit environ une quarantaine d’années.
Donc, dernièrement, j’ai investi dans plus petit. En début d’année 2010, en l’espace de 3 semaines, deux chats disparus, l’une de vieillesse (elle avait 18 ans) et l’autre de mort accidentelle. Bien sûr, du chagrin. Puis, plus récemment, l’idée d’avoir des petits chatons. Le premier Sirocco, est un bébé chat entièrement beige, qui est arrivé chez moi la semaine dernière. Et à la fin du mois, arrive Favonius, un autre chaton, mais cette fois un “ Sacré de Birmanie ”. Oui, je sais, ce blog est en principe réservé aux ânes, mais quand même, avec de si mignonnes petites boules de poil (même pas encore 3 mois), il fallait au moins vous présenter les faire-parts de naissance.
Sirocco
Mais revenons aux ânes et surtout à mon dernier grand voyage.
Encore une fois, à la dernière animation où j’ai été invitée, j’ai entendu ce commentaire : Mais un âne ce n’est pas trop têtu ? Mais posons-nous plutôt cette question : A quoi ressemblerait un âne qui ne serait pas têtu ? Est-ce que ça ne deviendrait pas un âne robot ? Un âne impersonnel sans caractère ni volonté ? Demandons-nous aussi comment il nous faut aimer les animaux : dociles, soumis et obéissants au doigt et à l’œil tels des jouets programmés ? Ou, avec une personnalité et donc également une certaine dose d’entêtement. Alors oui, les ânes sont têtus, et c’est tant mieux, car c’est comme ça que je les préfère. L’entêtement de l’âne, c’est aussi ce qui fait le côté ludique de la randonnée. En effet, les chemins de ce fait, deviennent plus aléatoires : ils sont semés d’obstacles et d’embûches qu’il faut réussir à franchir et à dépasser. Mais du coup, ce sont là autant de défis qui vous donnent ainsi le goût de l’aventure. Passera, passera pas ? On ne peut pas toujours prévoir... c’est ça aussi le plaisir de la randonnée. Dans des jeux d’épreuves, style Fort Boyard, on ne sait pas quoi inventer comme obstacles pour permettre aux joueurs de se confronter aux difficultés de l’épreuve, mais avec l’âne on n’a pas ce souci : c’est lui-même qui va inventer les défis. Et la diversité des contextes que nous rencontrons au cours d’une randonnée, nous place dans des situations parfois totalement imprévisibles et souvent burlesques même si parfois on rit seulement après coup.
Les ânes sont têtus, oui, mais il faut aussi savoir pourquoi et à quoi correspond exactement ce mot : « têtu ». Un âne têtu n’est pas un âne qui n’a pas toujours envie d’écouter. Un âne n’est pas une machine : il a des envies, des moments de paresse ; il ne veut toujours ce qu’on veut au même moment... Bref, il se comporte comme n’importe quel animal, seulement un chien il suffit de tirer sur la laisse pour le faire venir : avec un âne, quand on tire, on n’a pas forcément le même résultat. Et pour cause, des deux l’âne est le plus fort et bien sûr, il le sait !
Mais ceci ne veut pas dire que l’âne est têtu. Tout d’abord, il faut comprendre que l’entêtement, chez l’âne, est une manière de communiquer. Ordinairement, quand un animal est gêné, lorsqu’il a peur, ou même lorsqu’il souffre moralement comme physiquement, celui-ci pousse un cri. Or, ce n’est pas le cas de l’âne. Celui-ci peut braire pour appeler ses copains, réclamer de la nourriture, prévenir d’une présence... mais pour le reste, il est muet. Aussi, sa seule expression consiste à s’arrêter et à se figer sur place. De cette façon, il fait comprendre qu’il y a une anomalie et, bien sûr, c’est à nous de comprendre ce qui ne va pas.
Un caillou sous le sabot ? Le bât qui se défait ? Le chuintement inquiétant d’une rivière souterraine ? Peu à peu, le randonneur doit lui-même s’habituer à décrypter le comportement de son âne. Une fois,,je me souviens, mon âne s’était arrêté parce que la radio s’était allumée dans une des sacoches. J’ai éteint le poste et l’âne est reparti.
L’âne cherche ainsi à communiquer, mais nous-mêmes nous devons aussi l’éduquer face à des peurs qui ne sont pas toujours justifiées. Sa phobie de l’eau et des ponts (voir page 1, mais aussi dernière vidéo sur passage du gué) sont des difficultés que l’âne parvient lui-même à surmonter en prenant l’habitude de se confronter à ce qu’il redoute. Quand on est seul avec lui, les techniques pour le faire avancer ne sont pas toujours évidentes, mais elles existent et nécessitent malgré tout, une certaine dose de patience. Mais moins on cède et plus l’âne se montrera coopérant car, lui-même, semble avoir aussi quelque peu, le goût des défis. D’ailleurs, quand il réussit à surmonter ses peurs, il est finalement très fier.
A ce sujet, je voudrais donc vous raconter une anecdote qui m’est arrivée l’été dernier en Auvergne. Cette anecdote nous oblige un peu à nous interroger et à réfléchir sur le comportement de l’âne : non, les ânes ne sont pas idiots et parfois ils ont une intelligence qui peut surprendre. Toutefois, j’éviterai d’apporter une conclusion à cette histoire car, en fin de compte, il est difficile de certifier ce que l’âne a pu vraiment comprendre. En tout cas, il a eu un comportement vraiment inattendu. Mais voici plutôt l’histoire :
En Auvergne, aux alentours du Puy de Dôme, il n’est pas rare de rencontrer d’autres randonneurs asiniens. Grâce à l’asinerie Volc’âne, j’avais eu le droit à des itinéraires qui étaient déjà empruntés par les ânes de cet élevage et, évidemment, je me suis retrouvée avec des randonneurs qui avaient des portions de trajets identiques aux miens. Ce fut le cas d’une famille hollandaise : un couple, leurs trois enfants et l’âne loué pour 15 jours. Alors, un soir, je me retrouve à planter ma tente à côté de la leur. Le lendemain, il devient alors logique de faire route ensemble, d’ailleurs Chéri semble être ravi d’avoir la compagnie d’un autre âne qui fait le même travail que lui.
Mais Chéri, malgré les milliers de kilomètres enregistrés dans les compteurs des sabots, a encore quelques peurs tenaces et une en particulier : le franchissement des gués, surtout si la rivière est large et si l’on entend le bruit de l’eau qui tombe en cascade. Or, une demi-heure à peine après le départ, nous voilà face à un gué, large et bruyant, mais indispensable pour pouvoir poursuivre le GR. Néanmoins, instant d’espoir avec la présence de l’autre âne : peut-être que Chéri allait vouloir le suivre. Souvent, on arrive à débloquer les situations de cette façon. En voyant faire l’âne de tête, les autres prennent confiance et se mettent à suivre malgré leurs craintes. L’âne de la famille hollandaise était parfaitement rôdé aux chemins du coin : il passa le gué sans faire la moindre histoire. Mais malgré ça, pas question pour Chéri de mettre un peu plus que le bout des sabots dans l’eau : cette rivière avec le vacarme de son eau fuyante, vraisemblablement l’effrayait et il n’était pas du tout décidé à traverser. Pendant quelques instants je fus assistée par le couple hollandais mais, comble de malchance, le mousqueton d’une de mes longes, sur laquelle je comptais pour le faire avancer a soudainement cédé et j’ai d’ailleurs bien failli moi-même me retrouver les fesses dans l’eau.
Au bout d’un moment, il a fallu se rendre à l’évidence : pas possible pour moi de continuer par le même chemin. Je devais donc laisser continuer la famille hollandaise. De mon côté, cela signifiait que je devais renoncer à un magnifique itinéraire, pour un demi-tour et des routes beaucoup moins agréables sur un trajet qui en plus me rallongeait considérablement. Autant dire, je fulminais intérieurement et pas qu’intérieurement d’ailleurs : mon âne eût le droit aussi à une copieuse engueulade. Mais bon... que pouvait-il retenir de tout mon verbiage... ce n’était qu’un âne et il fallait surtout penser à avancer car dès lors, la préoccupation essentielle était de ne pas se faire surprendre par la nuit.
Des routes, encore des routes. Il aurait pu y avoir pire car le paysage était malgré tout magnifique mais, autant dire, ce refus de passer le gué avait vraiment gâché la journée. Le comble, c’est que Chéri lui aussi se retrouvait sur un itinéraire beaucoup moins agréable et seul, sans son copain de la nuit. Mais un âne, bien sûr, ça ne peut pas comprendre et retenir la leçon... Ce n’est qu’un âne... C’est têtu et ça le restera.
Quand nous avons atteint le camping et obtenu l’accord de nous y installer, le soleil était déjà comme un gros ballon orange posé sur l’horizon. Dans ce camping, j’allais pouvoir retrouver la famille hollandaise et eux, bien sûr, étaient installés depuis longtemps. Leur âne était parqué, la tente montée, les affaires déballées.
Alors, je décidais d’adresser un ultime reproche à mon âne :
– Tu vois, il a fallu marcher des heures en plus à cause de ton caprice. Tu aurais pu te reposer beaucoup plus tôt avec ton copain et tu aurais pu avoir une magnifique journée, mais non, à cause de ta stupide peur de l’eau et des cascades, on a eu une journée pas vraiment rigolottes, et surtout toi d’ailleurs, toi qui porte l’essentiel sur ton dos...
Mais bon, j’étais arrivée et il fallait dès lors avoir d’autres préoccupations, d’autant plus qu’un orage était attendu dans la nuit. Avec l’orage, la pluie et donc le lendemain, des chemins bien trempés.
Le lendemain, les Hollandais n’avaient pas le même trajet que le mien. Donc, je les saluais et repartais seule ; enfin quand je dis seule... avec mon compagnon à grandes oreilles, bien sûr. Cette fois, pas de soucis en ce qui concerne le trajet : il s’agissait d’un chemin sablonneux assez large et filant droit à travers les champs.
C’est sur un de ces chemins que mon âne eut tout à coup, une réaction très surprenante. En principe, comme tout équidé de son espèce, mon âne contourne méticuleusement chaque flaque car, comme toujours, il n’aime pas se mouiller les pieds et donc s’il y a moyen d’éviter, pas d’hésitation : on contourne. Or, là, le voilà qui s’arrête net devant une flaque d’eau géante, presque une mare. Ce n’était pas très compréhensible car il avait facilement les moyens de la contourner. Mais là, il se fige, comme subjugué, le nez baissé au-dessus de cette petite étendue. J’essaye de le faire avancer, rien à faire.
Donc, je commence à me demander ce qui peut justifier cet arrêt si soudain et c’est là que je le vois avoir un comportement encore plus étonnant : un peu après avoir flairé la flaque, il avance ses deux pattes avant, juste assez pour qu’elles soient à moitié dans l’eau. Alors là, il me semble deviner son intention : mon âne doit être tout simplement en train de se donner une leçon de courage. Il veut voir s’il est capable de se tremper les sabots. Mais est-ce vraiment possible ? Un âne peut-il vraiment agir ainsi. Du coup, je décide de le laisser faire, histoire de voir. Quelques minutes d’immobilisation et de lui-même il avance un peu plus dans la flaque : cette fois, les deux sabots avant sont complètement dans l’eau. Autre moment d’attente, nouvelle avancée et, c’est alors le bout des sabots arrière qui touche l’eau. Et encore un peu après, il avance et se retrouve complètement les quatre pieds dans l’eau.
Je l’ai alors complimenté pour son acte de courage. Puis, j’ai repris la longe et nous sommes repartis. Depuis, Chéri marche dans l’eau et il a su passer des gués. On peut franchement se demander s’il n’avait pas compris son erreur.En tout cas, on peut dire que bien des animaux ne seraient pas capables de réagir de cette façon. Les ânes semblent avoir un esprit analytique, et ce sont donc des animaux très intelligents contrairement à cette rumeur du passé et à cette terrible tradition du bonnet d’âne réservé aux cancres.
Commentaires
j'ai oublié de dire ou?
c'est idiot!
A quelques Kms de Arles
Nath
Bonjours
C'est tout à fait charmant.
Si un jour, vous avez besoin d'une nuit de sommeil avec un diner et un coin pour Chéri, ce sera avec plaisir. conservez mon email au cas.
Nath.
Merci d'être venue faire un tour sur mon blog .... Lignières n'est pas très loin de chez moi ...mais c'était le week end dernier ... bonne journée
J'adore...
Belle continuation...